Les sanctions attachées à l’inexécution ou à l’exécution tardive de l’obligation au paiement des primes
Article rédigé par Maud Asselain, Maître de conférences, Directrice de l’Institut des Assurances de Bordeaux (IAB) pour Alteas, courtier en assurances sur Bordeaux & Paris.
L’assuré qui n’honore pas sa dette de prime s’expose à une suspension des garanties d’assurance et à la résiliation de sa police.
Une fois la résiliation prononcée, le paiement (tardif) des primes en souffrance, qu’il ait été effectué spontanément ou sous la contrainte judiciaire, ne remet pas en vigueur les garanties d’assurance.
Si l’on excepte les assurances-vie, dans le cadre desquelles « l’entreprise d’assurance ou de capitalisation n’a pas d’action pour exiger le paiement des primes » (C. assur., art. L. 132-20), la conclusion d’une police d’assurance fait naître à la charge du souscripteur une obligation au règlement des primes (C. assur., art. L. 113-2).
À chaque échéance de prime, il incombe à l’assureur « d’aviser l’assuré […] de la date de l’échéance et du montant de la somme dont il est redevable » (C. assur., art. R. 113-4).
Lorsque l’assuré omet ou tarde à régler ce qu’il doit, l’assureur peut naturellement, comme le ferait n’importe quel créancier, poursuivre en justice l’exécution du paiement (II). Il est en droit également d’user d’une sanction propre au droit des assurances en déclenchant le processus extra-judiciaire de suspension-résiliation (I).
I. – Sanction extra-judiciaire
Le processus de sanction extra-judiciaire, strictement règlementé par l’article L. 113-3 du Code des assurances, est empreint d’une certaine clémence à l’égard de l’assuré, lequel va bénéficier de délais de grâce relativement conséquents avant que sa garantie ne soit suspendue (A), puis, éventuellement, résiliée (B).
A. – Suspension de la garantie
L’article L. 113-3, alinéa 2, du Code des assurances impose l’octroi à l’assuré d’un délai de dix jours suivant la date d’échéance pour s’acquitter de sa dette (Nota : le « Recueil des engagements à caractère déontologique des entreprises d’assurance membres de la FFA » porte ce délai de grâce à 30 jours en présence de contrats d’assurance automobile et multirisques habitation souscrit par les particuliers).
Au terme de ce délai, l’assureur qui entend sanctionner son débiteur défaillant doit mettre ce dernier en demeure de payer.
La mise en demeure résulte de l’envoi d’une lettre recommandée adressée au dernier domicile connu du souscripteur (C. assur., art. R. 113-1. – Cass. 2e civ., 9 févr. 2012, n°11-10270 : RGDA 2012, p. 677, note M. Asselain. – Cass. 2e civ., 28 févr. 2013, n°11-27699. – Cass. 2e civ., 26 mars 2015, n° 14-13327 : RGDA mai 2015, p. 241). Il en résulte, d’une part, qu’il importe peu que l’assuré ait effectivement reçu le pli recommandé dès lors que l’assureur est en mesure de prouver qu’il a bien expédié celui-ci ; il en résulte, d’autre part, que l’assuré ne saurait contester la régularité de la procédure, en arguant d’un changement d’adresse, dès lors qu’il n’a pas informé l’assureur de cette modification.
De la lettre expédiée par l’assureur doit ressortir « une interpellation suffisante » du débiteur, conformément au droit commun (C. civ., art. 1344). En conséquence, il convient que soient rappelés la date d’échéance, le montant de la prime dont le paiement est réclamé, ainsi que le numéro du contrat concerné, lorsque plusieurs polices ont été souscrites auprès de la même compagnie. L’assureur doit également attirer l’attention du destinataire sur la sanction encourue à défaut de règlement des arriérés.
Ladite sanction consiste en une suspension de la garantie. Celle-ci intervient automatiquement mais seulement à l’expiration d’un délai de trente jours suivant l’envoi de la mise en demeure et sous réserve, naturellement, que l’assuré ne se soit pas acquitté de sa dette entre-temps.
Si un sinistre survient postérieurement à la suspension, il n’est pas garanti. En revanche, le contrat n’étant, lui, aucunement suspendu, le souscripteur reste tenu au paiement des primes afférentes à la période durant laquelle la garantie ne jouera cependant pas.
La suspension de la garantie prend fin soit par la remise en vigueur de la police résultant du paiement de l’intégralité des primes arriérées, ainsi que des intérêts moratoires produits par elles depuis la mise en demeure (C. assur., art. L. 113-3, al. 4), soit par la résiliation du contrat, en cas de défaillance persistante du débiteur.
B. – Résiliation du contrat
L’assureur peut procéder à la résiliation du contrat, au plus tôt, dix jours après le début de la période de suspension de garantie (soit quarante jours après la mise en demeure). La résiliation, contrairement à la suspension de garantie, n’a pas de caractère automatique. L’assureur doit en conséquence manifester sa volonté de rompre le contrat. Il peut le faire dans la lettre recommandée initialement envoyée au souscripteur pour enclencher le processus de sanction, auquel cas il doit indiquer que la période de suspension sera suivie de la résiliation, sans autre avis, à défaut de règlement. L’assureur peut également envoyer un courrier séparé de résiliation du contrat au dernier domicile connu du souscripteur.
La résiliation met fin au contrat pour l’avenir sans remettre en cause ses effets passés. Le souscripteur demeure en conséquence débiteur de la fraction de prime correspondant à la période séparant la date d’échéance impayée de la date de rupture du contrat et l’assureur pourra en poursuivre le recouvrement forcé par la voie judiciaire.
Nota : Il faut prendre garde que le règlement des primes en souffrance n’a pas pour effet de remettre en vigueur le contrat résilié. L’acceptation de ce règlement par l’assureur (qui se manifeste, par exemple, par l’encaissement du chèque de l’assuré) ne peut pas être interprétée comme une renonciation à la résiliation, de sorte que les garanties demeurent éteintes (Cass. 1re civ., 18 févr. 2003, n° 99-21175 : Resp. civ. et assur. 2003, chron. 10, H. Groutel. – Cass. crim., 16 mai 2006, n°05-80974 : Resp. civ. et assur. 2006, com. 283, H. Groutel ; RGDA 2006, p. 647, note S. Abravanel-Jolly). Une remise en vigueur du contrat résilié exige, en effet, outre le paiement des primes arriérées, une manifestation de volonté de l’assureur, manifestation qui peut être expresse (l’assureur indique clairement qu’il renonce à la résiliation) ou tacite (par exemple, l’assureur délivre une attestation d’assurance pour une période postérieure à la résiliation ou prend en charge un sinistre survenu après la rupture du contrat). Quoi qu’il en soit et quand bien même l’assureur n’entendrait pas revenir sur sa décision de résilier, on ne saurait qu’inciter l’assuré à payer ce qu’il doit, ne serait-ce que pour avoir une chance de trouver un nouvel assureur. En pratique, en effet, les compagnies, qui acceptent déjà difficilement de couvrir des assurés dont les polices (souscrites auprès de la concurrence) ont été résiliées pour non-paiement des primes, seront plus réticentes encore si lesdits assurés sont encore débiteurs de primes impayées envers l’ancien assureur.
II. – Sanction judiciaire
Le processus de suspension-résiliation organisé par l’article L. 113-3 du Code des assurances n’est pas exclusif de la poursuite en justice du paiement des primes. L’assureur peut fort bien envoyer la lettre de mise en demeure qui aboutira, trente jours plus tard, à la suspension de la garantie et agir en justice pour obtenir règlement de la prime due au titre du contrat suspendu. Il a même intérêt à ne pas se contenter de la voie judiciaire, dans la mesure où, s’il se place exclusivement sur ce terrain, sa garantie reste en vigueur, de sorte que, si un sinistre survient, il sera contraint au versement d’une indemnité en dépit du non-paiement des primes (Cass. 1re civ., 23 sept. 2003 : Resp. civ. et assur. 2003, comm. 337, H. Groutel ; RGDA 2003, p. 707, note J. Kullmann). De même, après avoir eu recours au processus extrajudiciaire de l’article L. 113-3 et, à l’issue de celui-ci, avoir résilié le contrat, l’assureur peut réclamer en justice le règlement des primes dues jusqu’à la date de rupture du contrat.
L’action en recouvrement forcé (qui s’exerce, au choix de l’assureur, en suivant la procédure simplifiée de l’injonction de payer ou la procédure ordinaire sur assignation en paiement) ne peut être intentée avant l’expiration d’un délai de dix jours suivant la date de l’échéance impayée. Elle ne nécessite pas de mise en demeure préalable du débiteur et peut en conséquence être directement exercée à l’issue de ce délai.
Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038611270/
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